dimanche 18 septembre 2011

STANCES DE L'IMPOSSIBLE

L'été sera l'hiver et le printemps l'automne,

L'air deviendra pesant, le plomb sera léger :

On verra les poissons dedans l'air voyager

Et de muets qu'ils sont avoir la voix fort bonne.

L'eau deviendra le feu, le feu deviendra l'eau

Plutôt que je sois pris d'un autre amour nouveau.

Le mal donnera joie, et l'aise des tristesses !

La neige sera noire, et le lièvre hardi,

Le lion deviendra du sang accouardi,

La terre n'aura point d'herbes ni de richesses ;

Les rochers de soi-même auront un mouvement

Plutôt qu'en mon amour il y ait changement.

 

Le loup et la brebis seront en même étable

Enfermés sans soupçon d'aucune inimitié ;

L'aigle avec la colombe aura de l'amitié

Et le caméléon ne sera point muable :

Nul oiseau ne fera son nid au renouveau

Plutôt que je sois pris d'un autre amour nouveau.

La lune qui parfait en un mois sa carrière

La fera en trente ans au lieu de trente jours ;

Saturne qui achève avec trente ans son cours

Se verra plus léger que la lune légère :

Le jour sera la nuit, la nuit sera le jour

Plutôt que je m'enflamme au feu d'un autre amour.

 

Les ans ne changeront le poil ni la coutume,

Les sens et la raison demeureront en paix,

Et plus plaisants seront les malheureux succès

Que les plaisirs du monde au coeur qui s'en allume.

On haïra la vie, aimant mieux le mourir

Plutôt que l'on me voie à autre amour courir.


 

On ne verra loger au monde l'espérance ;

Le faux d'avec le vrai ne se discernera,

La fortune en ses dons changeante ne sera,

Tous les effets de mars seront sans violence,

Le soleil sera noir, visible sera Dieu

Plutôt que je sois vu captif en autre lieu.
Amadis JAMYN - 1538-1592 - Champenois, ami intime de Ronsard, traducteur de l'Iliade et de l'Odyssée, il a composé de nombreux Sonnets, et le "Poème de la Chasse" dédié à Charles IX;



































































dimanche 11 septembre 2011

CHANSON D'AMOUR DU XVIIIEME SIECLE




En revenant des noces, j'étais bien fatiguée,
Au bord d'une fontaine, je me suis reposée
Et l'eau était si claire, que je m'y suis baignée;
A la feuille du chêne, je me suis essuyée...

Sur la plus haute branche, le rossignol chantait :
Chante, rossignol, chante, toi qui as le coeur gai !
Le mien n'est pas de même, il est bien affligé !
C'est de mon ami Pierre, qui ne veut plus m'aimer,
Pour un bouton de rose, que je lui refusai.

Je voudrais que la rose fût encor au rosier,
Et que mon ami Pierre fût encor à m'aimer.